Découvrir Don Ihde et la postphénoménologie

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jeudi 3 mars 2011

Spinoza et la chimie, IIIème partie

Avant d'entrer dans les choses sérieuses, l'étude de la Lettre VI consignant les expériences de chimie faites par Spinoza, voici un aperçu du dialogue Boyle-Spinoza, exposant les principaux thèmes et enjeux du début de cet échange épistolaire (année 1661), correspondance où sont également évoqués des problèmes philosophiques et scientifiques.

La correspondance de Spinoza avec Oldenburg, un échange amical qui tourne à l'affrontement

Oldenburg ? Nous l'avons précédemment indiqué, cet homme, membre de la Royal Society de Londres, est l'intermédiaire de Boyle. Son porte-parole. Son défenseur.
Boyle est un scientifique remarquable à plus d'un titre. D'abord on lui doit un certain nombre d'avancées scientifiques, dans le domaine de la physique et de la chimie. C'est un organisateur, puisque la réussite du projet de la Royal Society autour d'un noyau dur de collaborateurs lui doit beaucoup. C'est aussi un polémiste. Sa controverse avec Hobbes est restée célèbre ; Steven Shapin et Simon Schaffer en ont tiré un bel ouvrage, Leviathan et la pompe à air, Hobbes et Boyle entre science et politique (La découverte, 1993)1.

Pour lire la correspondance avec Oldenburg, mieux vaut avoir quelques idées de la chimie de l'époque, des écoles qui s'affrontent et de la position défendue par Boyle. Et pour approfondir il convient sans doute de se référer à deux oeuvres importantes, son Chimiste sceptique (1651) et son Origine des formes et des qualités selon la philosophie corpusculaire (1666). Les deux titres indiquent bien la position théorique de Boyle : un scepticisme dirigé essentiellement contre la doctrine aristotélicienne des éléments – avec une très importante référence à Cicéron et son De natura deorum2 ; une ontologie corpusculaire, les corpuscules étant par postulat les minuscules constituants de toute matière, solide ou fluide (d'où trois échelles de la matière : le très petit au-delà de l'observable qui ne peut être appréhendé qu'hypothétiquement ; le microscopique correspondant aux corps élémentaires qui sont observables dans leurs effets, en particulier leurs mélanges, union et fusion ; le macroscopique résultant de l'agrégation de ces corpuscules dans les corps animés ou inanimés).

On peut immédiatement noter que, comme dans son opposition à Hobbes, la pierre d'achoppement du dialogue avec Spinoza est le rôle ainsi que le statut de l'expérience dans la pratique scientifique. En effet, après avoir reçu d'Oldenburg le Tentamina quaedam physiologica diversis temporibus et occasionibus conscripta a Robert Boyle, qui est la traduction latine d'un recueil paru à Londres sous le titre Certain Physiological Essays and other Tracts en 1661, Spinoza ne va pas reconnaître ces trois niveaux d'analyse. Le second, celui où, d'après Boyle, se produisent des phénomènes chimiques, est tout simplement nié par lui. D'après le chimiste anglais ce serait une échelle intermédiaire, pour Spinoza c'est un ensemble d'idées confuses, les qualités premières des corps se trouvant « complétées » par des propriétés (par exemple l'inflammabilité) qui ne sont en réalité que des qualités secondes, un peu idéalisées.

D'une part, Boyle incarne la modernité dans son souci d'expérimenter, de dépasser les fausses évidences du sens commun en réactivant une sorte d'atomisme, de combinatoire. D'autre part, son adhésion à la philosophie mécaniste se fait au détriment de l'orthodoxie cartésienne que suit Spinoza. Pour Descartes et les cartésiens de stricte obédience, les phénomènes qu'étudient les chimistes sont en droit réductibles à des problèmes de physique ; parler de corpuscules chimiques et donc de vide, introduire des considérations de structure au sujet des corpuscules, c'est faire jouer des "qualités occultes", des choses tirées de l'imagination, quand seules les qualités premières des corps sont en droit reconnues comme déterminantes (figure, grandeur et mouvement).
Reprenons la correspondance à la base pour voir comment ce positionnement théorie joue, fait obstacle à la communication avec Spinoza, sans toutefois l'empêcher.

C'est Oldenburg qui prend l'initiative de la correspondance. On peut ajouter que Spinoza à l'époque n'est guère connu mais a déjà une réputation, sans quoi Oldenburg ne l'aurait jamais sollicité. Il incarne sans doute assez bien la vague du cartésianisme en Europe, l'esprit curieux ayant décidé de vouer sa vie à la recherche de la vérité.
Lettre I (août 1661) "Nous avons à Rijnsburg parlé de Dieu, de l'Étendue et de la Pensée infinies, de la différence et de l'accord qui existent entre ces attributs, du mode d'union de l'âme humaine avec le corps, et, en outre, des principes de la Philosophie de Descartes et de Bacon. Mais sur des sujets d'une telle importance nous ne nous sommes entretenus qu'en passant et d'une façon qu'on peut dire fugitive. J'ai l'esprit tourmenté depuis lors, et fort du lien qui nous unit, je vous demanderai en toute amitié de vouloir bien m'exposer plus amplement vos idées sur ces matières."

Un peu plus loin, Oldenburg range dans une seule catégorie celle de "la science des choses qui importent" se gardant bien de dire quelles elles sont et pourquoi. La formule reste ouverte, permet de réunir des connaissances bien disparates, et de faire comme s'il existait un accord sur ce point : l'importance de telle ou telle discipline. On peut sans doute prendre un peu de recul et considérer qu'Oldenburg utilise une tournure elliptique pour suggérer que toute science est importante à partir du moment où elle procède d'une certaine exigence, qu'elle relève d'une certaine méthode.
Les questions qu'il pose à Spinoza sont des questions générales que nous-mêmes classerions dans la catégorie de l'ontologie et de l'épistémologie :
"1° Quelle différence faites-vous au juste entre l'Étendue et la Pensée ? 2° Quels défauts observez-vous dans la Philosophie de Descartes et dans celle de Bacon ? En quelle manière pensez-vous qu'il faille corriger ces défauts et, aux enseignements de ces auteurs, en substituer de mieux assurés ?
Plus libéralement vous m'écrirez sur ces deux questions, plus étroitement vous m'obligerez, et plus aussi vous me contraindrez à vous rendre, autant qu'il sera en mon pouvoir, des services de même sorte. Des essais de Sciences naturelles écrits par un Anglais, savant de grand mérite, sont sous presse. Il y est traité de la nature et de l'élasticité de l'air, établie par quarante-trois expériences, et aussi des fluides, des solides et autres sujets semblables. Sitôt que l'impression en sera terminée je ferai en sorte que cet ouvrage vous soit remis par un ami passant la mer
."

La Lettre II envoyée en retour par Spinoza se concentre judicieusement sur le problème de la validité de l'empirisme et de la méthode cartésienne. Comme il le dit lui-même, Spinoza est obligé de trahir une de ses règles pour répondre à Oldenburg, s'étendre sur les erreurs commises par les autres philosophes. C'est accorder trop d'importance à ce qui n'est pas positif, à ce qui n'est qu'une privation d'être, des idées tronquées ! Il est souhaitable de lire en entier ce passage dont il faut tenir compte si l'on veut bien suivre les raisonnements ultérieurs de Spinoza. Celui-ci refuse l'idée que l'erreur provienne d'un défaut de rigueur ou d'une volonté erratique, comme si la volonté en soi était une faculté et la rigueur en soi un instrument de l'âme. J'insiste sur ce point avec une idée derrière la tête. Cette Lettre II nous montre que Spinoza sait très bien faire l'économie d'hypothèses superflues. Cela nous prouve même qu'il sait manier le rasoir d'Occam, retranchant la volonté et la rigueur en soi, comme universaux, pour conserver les volitions et les idées rigoureuses, comme individus. S'il refuse d'appliquer le principe de parcimonie plus loin, dans la Lettre XIII, on peut donc difficilement soutenir que c'est parce qu'il ne le comprend pas ou ne pense pas à l'appliquer ! C'est qu'il refuse de le faire pour une raison ou une autre !

La Lettre III d'Oldenburg à Spinoza (septembre 1661) ne contient sans doute rien de décisif. Mais elle est intéressante à au moins deux titres.
D'une part, elle rend sensible ce qu'on appeler l'équivoque du discours philosophique pour un esprit scientifique. Oldenburg fait en effet ce qu'il pense être des efforts pour saisir les idées de Spinoza, sa "façon géométrique de prouver". Et avoue ne pas y parvenir. Si ses efforts sont vains, c'est qu'il ne fait pas jouer les distinctions que Spinoza fait systématiquement jouer, celle de la définition d'un attribut (chose qui se conçoit par elle-même et en elle-même) et de la définition d'une chose quelconque, relevant d'un mode de l'attribut. Ou bien qu'il ne fait pas de différence entre un concept "clair et distinct" (Lettre IV) et une abstraction, une fiction ; pour lui un concept est une idée englobante, obtenue par généralisations successives, ce qui pour Spinoza montre qu'il s'agit d'une idée confuse, relevant moins de la raison que du travail délirant de l'imagination.

"J'approuve fort votre façon géométrique de prouver, toutefois mon esprit n'a pas l'acuité qu'il faudrait pour saisir promptement des renseignements si bien ordonnés. Souffrez donc, je vous en prie, que j'expose à vos yeux la lenteur de mon intelligence en vous adressant quelques questions et en vous demandant d'y répondre. 
En premier lieu, est-ce pour vous une chose claire et connue sans doute possible, que, de la définition donnée par vous de Dieu, se déduit une démonstration de son existence ? Pour moi, quand je réfléchis, il me paraît que des définitions ne peuvent contenir autre chose que des concepts formés par notre esprit ; or notre esprit conçoit beaucoup d'objets qui n'existent pas et sa fécondité est grande à multiplier et à augmenter les objets qu'il a conçus. Je ne vois donc pas comment de ce concept que j'ai de Dieu, je puis inférer l'existence de Dieu. En rassemblant mentalement toutes les perfections que je perçois dans les hommes, les animaux, les végétaux, les minéraux, etc., je puis à la vérité former une substance unique possédant indivisiblement toutes ces vertus ; bien plus, mon esprit est capable de les multiplier et augmenter à l'infini et d'arriver ainsi à se représenter un certain être s'élevant à un suprême degré de perfection et d'excellence, mais ne peut cependant point établir pour autant, de la sorte, l'existence d'un tel être. 
En second lieu, est-il indubitable pour vous que le corps n'est pas limité par la pensée, ni la pensée par le corps ? Étant donné qu'on discute encore sur la nature de la pensée et qu'on ne sait si elle est un mouvement corporel ou un acte spirituel absolument irréductible au mouvement corporel. 
En troisième lieu je demande si vous tenez ces axiomes que vous m'avez communiqués pour des principes indémontrables connus par la lumière naturelle. Peut-être en est-il ainsi du premier axiome, mais je ne vois pas la possibilité d'attribuer le même caractère aux trois autres. Le deuxième implique en effet qu'il n'existe dans la nature que des substances et des accidents, et cependant beaucoup sont d'avis que le temps et le lieu n'entrent dans aucune de ces deux classes d'êtres. Pour le troisième : des choses qui ont des attributs différents n'ont rien de commun entre elles, tant s'en faut que je le conçoive clairement ; c'est plutôt le contraire qui me semble ressortir de l'ensemble des choses dont se compose l'univers, car elles s'accordent par certains côtés et diffèrent par d'autres. Quant au quatrième axiome enfin : des choses qui n'ont rien de commun entre elles ne peuvent être cause l'une de l'autre, il ne paraît pas si manifeste à mon entendement qu'il n'ait besoin d'un peu plus de lumière ; Dieu en effet n'a rien de commun avec les choses créées, et presque tous, cependant, nous voyons en Lui leur cause."

D'autre part, la réflexion qui termine cet extrait, sur les principes de la connaissance, les axiomes évidents et les postulats rationnels, est intéressante. Boyle veut des axiomes qui soient tous des vérités premières indiscutables, des propositions universellement évidentes.

La suite de la lettre ne sera pas bien comprise par Spinoza qui voudra y voir un euphémisme. Oldenburg y dresse à grands traits une sorte d'épistémologie négative, sceptique (« négative », comme il existe une "théologie négative" issue de la systématisation de la théologie de la négation). Défendant alors le mécanisme en droit et l'expérimentation en fait (la mise en pratique des arts mécaniques "avec autant de soins qu'il nous est possible"), s'opposant donc par principe à l'explication de type finaliste, il n'hésite pas lui-même à blâmer l'"asile de l'ignorance" ! Mais surtout il désigne dans ce passage l'ennemi : la spéculation métaphysico-scientifique qui mêle aux explications positives des considérations simplement logiques, formelles et intuitives. L'aristotélisme est visé. Pour Boyle, cette école de pensée représente le meilleur et le pire, l'idée de système ! Oldenburg désigne donc bien un véritable ennemi, pas un « tigre de papier » !
"Dans notre Collège philosophique nous nous appliquons à faire des observations et des expériences avec autant de soin qu'il nous est possible et aussi, sans plaindre notre temps, à l'étude des Arts mécaniques. Nous croyons en effet que les formes et les qualités des choses peuvent s'expliquer par des principes mécaniques, et que tous les effets observables dans la nature résultent du mouvement, de la figure, de la structure et de leurs diverses combinaisons, sans qu'il soit besoin de recourir aux formes inexplicables et aux qualités occultes, cet asile de l'ignorance. Je vous enverrai le livre promis sitôt que les chargés d'affaires de Hollande, qui négocient ici, feront partir quelque courrier pour La Haye, ainsi qu'ils ont coutume, ou, encore quand un ami digne de confiance s'en ira dans votre pays."

De manière significative, la réponse de Spinoza ne rebondit pas sur ce point d'épistémologie jugé trivial dans une lettre ultérieure (et cachant même la véritable intention de Boyle, comme si ce dernier s'interdisait de désigner ses vrais ennemis) mais se concentre sur la remise en ordre des idées d'Oldenburg sur les questions d'ontologie. En effet, la façon dont ce « philosophe » questionne Spinoza, les présupposés auxquels il recoure sans s'en rendre bien compte, révèlent une conception non orthodoxe, voire faussée des premiers principes de la science, comme de toute vérité. Rappelons juste que par exemple il s'appuie sur l'incertitude présente des connaissances pour oser remettre en cause la séparation qui existe, par définition, entre les attributs de Dieu, l'étendue et la pensée. Son raisonnement est en gros le suivant : il existe différents points de vue, des matérialistes qui ont tort mais peut-être pas sur tous les points, donc on ne rien dire d'absolument certain sur la matière ; "on discute encore sur la nature de la pensée et qu'on ne sait si elle est un mouvement corporel ou un acte spirituel absolument irréductible au mouvement corporel"... donc il est permis de douter de l'indépendance ontologique du corps et de l'esprit, indépendance exprimée dans la proposition "le corps n'est pas limité par la pensée, ni la pensée par le corps").

La réponse de Spinoza est aussi claire que sèche. Voyons son début, le reste étant de la même eau. Lettre IV à Monsieur Henri Oldenburg :
"Au moment d'aller à Amsterdam pour y passer une semaine ou deux, j'ai eu le plaisir de recevoir votre lettre, et j'ai vu les objections que vous élevez contre les trois propositions que je vous ai envoyées. C'est à ces objections seulement que j'essaierai de répondre, laissant les autres points de côté faute de temps. Je dirai donc, en ce qui concerne la première objection, que de la définition d'une chose quelconque ne suit pas l'existence de cette chose ; cela suit seulement (comme je l'ai démontré dans le scolie joint aux trois propositions) de la définition ou de l'idée d'un attribut, c'est-à-dire (ainsi que je l'ai amplement expliqué à propos de la définition de Dieu) d'une chose qui se conçoit par elle-même et en elle-même. J'ai d'ailleurs dans le même scolie justifié cette différence assez clairement, sauf erreur, surtout pour un philosophe. Car il est supposé ne pas ignorer la différence qui existe entre une fiction et un concept clair et distinct, non plus que la vérité de cet axiome suivant lequel est vraie toute définition, c'est-à-dire toute idée claire et distincte. Sous le bénéfice de ces observations je ne vois pas que ma réponse à la première question laisse rien à désirer."

Considérons enfin la lettre qui va déclencher la Lettre VI et le travail d'expérimentation de Spinoza qu'elle consigne. Cette nouvelle lettre contient au final une pique, puisque le représentant de la science anglaise, au risque d'être définitivement assimilé à un esprit dénué de tout talent philosophique, y affirme que la clarté des réponses précédemment fournies aux diverses objections soulevées ne sont pas suffisantes. Elles ne suffisent pas à lever définitivement ses propres doutes ! Inconsciemment peut-être, sa défense de l'esprit sceptique comme esprit scientifique, esprit ouvert à toute hypothèse et tout fait d'observation, bref son attitude boyléenne, rejoignent une déconsidération de la science spéculative, nomologique. Il minimise la portée de la déduction au profit de l'exposition d'une démarche expérimentale. Sa préférence va sans doute à une science inductiviste, découvrant des régularités nomiques3 seulement probables.
Lettre V (octobre 1661) d'Oldenburg à Spinoza.
"Voici le petit livre que je vous avais promis, vous me ferez connaître en retour le jugement que vous portez sur lui, en particulier sur les observations concernant le Nitre, la fluidité et la solidité. Je vous sais le plus grand gré de votre deuxième lettre si pleine de science, que j'ai reçue hier. Je regrette fort toutefois que votre départ pour Amsterdam vous ait empêché de répondre à tous mes doutes et je vous prie de compléter vos explications dès que vous en aurez le loisir. Votre lettre a certes répandu beaucoup de clarté dans mon esprit, elle n'a cependant pas entièrement dissipé l'obscurité : ce résultat sera obtenu, à ce que je crois, quand vous m'aurez renseigné clairement et distinctement sur la vraie et première origine des choses. Aussi longtemps en effet que je ne perçois pas clairement par quelle cause et en quelle manière les choses ont commencé d'être et quel lien les rattache à la cause première, s'il en est une, tout ce que j'entends, tout ce que je lis ressemble à des mots sans suite. Je fais donc appel à votre science, Monsieur, et je vous prie de m'éclairer et de ne pas mettre en doute la foi et la gratitude de votre tout dévoué."


1Compte-rendu de l'ouvrage pour la revue des Annales, Histoire, Sciences sociales (1996) sur Persée :
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1996_num_51_2_410851_t1_0362_0000_001

2 Cf. Sarah Carvallo,"Chimie et scepticisme : Héritage et ruptures d'une science. Analyse du Chimiste sceptique, 1661, Robert Boyle", Revue d'histoire des sciences, 2002, vol. 55, no4, pp. 451-492
Résumé :
En 1661, Robert Boyle présente un dialogue qui utilise l'argumentaire sceptique pour, d'une part négativement, critiquer les définitions aristotéliciennes et paracelsiennes de l'objet chimique et, d'autre part positivement, établir une nouvelle méthode en chimie qui évite une réduction de type cartésien tout en demeurant conforme aux exigences de la philosophie expérimentale. Pour prétendre au statut de science, la chimie doit réformer ses concepts explicatifs et ses méthodes expérimentales, tout comme la physique effectua cette même réforme au début du siècle. En dépit de son style dubitatif, Le Chimiste sceptique constitue un moment décisif au sein de l'histoire de la chimie moderne.
Et la fin de la conclusion pour donner envie de lire cet article remarquable :
"De même que Cicéron établissait les conditions civiques d'une religion possible après avoir démontré l'impossibilité de connaître la nature des dieux soustraits à l'expérience humaine, Boyle détermine les conditions d'une science possible, à défaut d'avoir accès aux principes métaphysiques qui fondent simultanément le réel (ici la matière et la qualité) et le savoir. Puisque ceux-ci demeurent inaccessibles à l'expérience, le consensus communautaire vaudra comme critère légitime et suffisant d'une connaissance restreinte mais justifiée.
C'est pourquoi la philosophie expérimentale s'avère indissociable de ses conditions institutionnelles et du destin que lui ouvrent les nouvelles académies, telles que la Royal Society : en choisissant parmi ses membres Boyle plutôt que Hobbes, la communauté scientifique britannique entérine effectivement la transformation concomitante de l'objet et du sujet scientifiques. Le même phénomène s'effectue outre-Manche dès la fin de l'âge classique et inaugure l'âge des lumières.
"

Le texte est mis en ligne su le site Persée, à cette adresse  :
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhs_0151-4105_2002_num_55_4_2162

Et il est possible de lire en ligne l'ouvrage de Boyle, The Skeptical Chymist or Chymico-Physical Doubts and Paradoxes touching the Spagyrist's Principles commonly called Hypostatical (1661)
http://oldsite.library.upenn.edu/etext/collections/science/boyle/chymist/


3 J'emprunte l'opposition de la nécessité nomologique (reconnaissance de l'existence de lois causales structurant le réel) et des régularités nomiques (affirmation critique du principe de causalité donnant lieu à la production de lois précisant quantitativement les phénomènes étudiés) à Max Kistler, "La causalité dans la philosophie contemporaine" Intellectica, 2004.
http://max.kistler.free.fr/articles/MK21.pdf

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