Découvrir Don Ihde et la postphénoménologie

Ce blog a pour ambition de faire partager un enthousiasme, pour l'une des pensées les plus originales et les plus fécondes d'outre-atlantique, la pensée de Don Ihde. Les thèmes explorés sont la technoscience, le visualisme de la science moderne, l'herméneutique matérielle et les questions contemporaines relatives à la culture technologique.

mardi 28 décembre 2010

L'année dernière, une table ronde

Le Département de Droit de l'Université de Namur (Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix) a organisé le 16 janvier 2009, à Bruxelles, un colloque initulé "Autonomic Computing, Human Identity and Legal Subjectivity: Philosophers of Law meet Philosophers of Technology. Reading Panel."
Parmi les philosophes des techniques invités se trouvaient Don Ihde, directeur du "Technoscience Research Group", mais aussi Paul Mathias du Lycée Henri IV de Paris, directeur du Collège International de philosophie, Jos De Mul de l'Université de Rotterdam, Hyo Yoon Kang de l'Institut Max Planck, Rafael Capurro de l'Université de Stuttgart...
Les organisatrices du colloque, Mireille Hildebrandt et Antoinette Rouvroy ont ainsi rédigé la problématique :
"Autonomic computing and ambient intelligence raise a number of pertinent philosophical issues around human identity in relation to its human and nonhuman environment. These issues may find their litmus test in the implications for law and for constitutional self-government, or democracy. Discussions of such issues within legal philosophy and legal theory could benefit from explorations of the theme by philosophers of technology, and enrich current debates in the field of philosophy of technology. For this reason we bring together a roundtable of philosophers from both disciplines around the thematic of autonomic computing, human identity and legal subjectivity."
http://www.fundp.ac.be/recherche/activites/page_view/20141/
L'intervention d'Ihde s'intitulait curieusement "Smart : Amsterdam Urinals and Autonomic Computing" ... les urinoirs d'Amsterdam et la micro-informatique ! Drôle de titre... Pour tenir compte de la crise, le prix des actes de ce colloque pourrait baisser un peu. 125 dollars chez Routledge, cela dépasse mes moyens...  En attendant on peut aller voir la page personnelle de la foucaldienne Antoinette Rouvroy et consulter quelques articles sur le "corps statistique" ou la "digitalisation des corps".
http://works.bepress.com/antoinette_rouvroy/
Sur la bioéthique :
http://works.bepress.com/cgi/viewcontent.cgi?article=1029&context=antoinette_rouvroy
http://works.bepress.com/cgi/viewcontent.cgi?article=1028&context=antoinette_rouvroy
Après avoir mentionné ce colloque, je ne résiste pas au plaisir d'illustrer une des notions fondamentales de Don Ihde, celle de "seconde révolution scientifique" s'étant opérée dans le cadre de la production d'images scientifiques.
Ihde soutient que nous ne sommes pas assez conscients du fait que de nouvelles capacités perceptuelles ont émergé des anciennes par le développement des technosciences. La logique de l'Embodiment, l'incorporation technoscientifique, est non pas celle de l'accroissement de nos capacités sensorielles mais celle de leur métamorphose, de leur extension au-delà du visible et du sensible en général. Il ne s'agit alors plus du tout d'amplifier un signal ni de réduire un bruit de fond. Il ne s'agit plus de grossir une image dont on dispose déjà. Il ne s'agit plus de se rapprocher des choses pour mieux les observer... Car il s'agit de produire et de contrôler des phénomènes à l'échelle de l'atome (interférences et collisions de particules) dont on tire une myriade d'informations (émissions de particules dont on mesure la trajectoire, la vitesse, l'énergie), lesquelles, traitées informatiquement peuvent être recomposées en une image de la réalité existant au-delà de nos seuils perceptuels.
Les FUNDP font venir en janvier prochain le professeur Odile Stephan de l'Université Paris-Sud, pour une formation portant sur "Microscopie et spectroscopie électroniques, des outils pour explorer le nanomonde".
Voici l'introduction de ces leçons :
" Avec la découverte de la mécanique ondulatoire de Louis de Broglie (1923) naît l’idée de remplacer la source de photons d’un microscope optique par une source d’électrons afin d’accroître le pouvoir de résolution du microscope et visualiser les atomes constituant la matière. (...) Si les premières tentatives effectuées par Ruska en 1931 furent infructueuses en raison des fortes aberrations des lentilles électroniques, les microscopes électroniques en transmission de dernière génération, équipé de correcteurs d’aberrations sur la lentille objectif, permettent de nos jours la réalisation d’une très grande variété d’expériences pour la mesure de quantités physiques à l’échelle du nanomètre voire de l’atome individuel." La suite mentionne l'imagerie à ultra-haute résolution spatiale, l'holographie électronique, la spectroscopie de perte d'énergie d'électrons, l'utilisation d'électrons comme source de lumière blanche ponctuelle... le tout permettant de "sonder" des effets physiques de nature quantique
Et un schéma accompagne ce programme alléchant, celui d'une expérience de microscopie électronique, par A. Zobelli, de Paris-Sud :
http://nouvelles.fundp.ac.be/upevent.2010-12-23.6485483893/view

3 commentaires:

  1. Et pourquoi ne pas rajouter la philosophie politique ? Il y aurait aussi largement à dire sur le rôle politique des machines, a fortiori si elles deviennent "intelligentes" (voir par exemple pour une réflexion en ce sens : http://yannickrumpala.wordpress.com/2009/10/02/lanarchie-dans-un-monde-de-machines/ ).

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  2. Le précédent commentaire nous invite à consulter le blog de Yannick Rumpala, pour y découvrir par exemple une réflexion appuyée sur la science-fiction, l'oeuvre de Ian M. Banks (on pourrait sans doute lui ajouter Dan Simmons) sur les machines intelligentes. Et leurs éventuels rôles dans nos existences futures.
    Il y aurait un lien entre le stade technologique d'une civilisation et le type de culture politique qu'elle produit. L'hypothèse est séduisante. On peut même penser qu'elle a déjà été confirmée par l'histoire. L'idée tirée de Banks serait plus spécialement que la technoscience aboutirait à une forme d'anarchie, de pouvoir politique où les relations hiérarchiques auraient été abolies. Par exemple les questions d'allocation de ressources seraient réglées consensuellement par une forme de calcul de l'optimum.
    On appréciera les trois développements de Yannick Rumpala. Je le cite "Le premier devrait revenir sur la pensée anarchiste pour montrer que la vision de Iain M. Banks peut certes y trouver des correspondances, mais que cette pensée est en quelque sorte dépassée par les enjeux que l’œuvre de cet auteur fait émerger. Le deuxième poursuivrait en montrant les questions politiques que cette œuvre permet d’élaborer sur les retombées des avancées en matière d’intelligence artificielle et sur leurs effets dans l’organisation des collectivités. Le troisième, toujours sous un angle politique, essayerait d’établir des connexions plus concrètes à partir de lignes d’évolution discernables dans l’informatisation ou l’automatisation d’appareillages techniques qui peuvent participer à la régulation de processus sociaux."
    Et je laisse chacun lire la suite sur son blog. Les références sont précises et utiles.
    Merci du commentaire et de cette piste de réflexion !

    Encore deux liens, ceux des pages Wikipedia consacrées à Iain M. Banks etDan Simmons (auteur D'Ilium et d'Olympos)
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Iain_Banks
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Dan_Simmons

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  3. Merci ! Ceci pourrait peut-être également vous intéresser: http://www.iri.centrepompidou.fr/evenement/entretiens-du-nouveau-monde-industriel-2013/

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